Cap Vrai est une association de gens de mer qui proposent une animation spirituelle de la plaisance, un ressourcement par la vie en mer et en équipage, un partage entre gens de bord de mer, gens de l’intérieur et navigants. La plaisance est cette activité qui se multiple, se diversifie, depuis le jeune qui attend la vague sur la grande plage des Sables d’Olonne sur sa planche de surf, jusqu’aux écoles de voile et à la navigation sur de grosses unités. De plus à la voile quand on est en mer pas besoin de carburant, le vent suffit. Meravenir se propose d’éveiller, de sensibiliser aux
problématiques et aux ressources liées à la mer. A Cap vrai peut-il en être autrement ?

Quand on est en navigation il faut prendre une direction, surtout quand on n’a plus aucun repère terrestre, un cap et le cap vrai, le bon cap, c’est la direction indiquée par l’aiguille de la boussole, du compas en termes de navigation sur une route que l’on s’est donnée. Il y a lieu de changer de cap quand surgit un obstacle, par exemple un bateau venant en face ou une balise interdisant la navigation. D’accord pour la notion de Cap vrai, mais vous lui donnez une dimension spirituelle ?

C’est à l’initiative du fondateur de l’association le P. Yves Dominique Ménard, un religieux dominicain qui l’explique dans « Mes racines sont dans la mer » , un très beau titre, « je découvrais, dit-il des chrétiens enthousiastes de la voile qui s’interrogeaient sur la qualité de cette activité et sur l’épanouissement spirituel qu’ils pouvaient y trouver ; c’était en 1969 nous avons appelé notre jeune organisation « association pour l’animation spirituelle, culturelle et éducative de la Plaisance ». Cela faisait un ensemble d’initiales assez barbares. Comme cela m’arrive
quelquefois je me réveillai un matin en me répétant ces mots : « cap vrai – cap vrai » le nom était trouvé.

Vous avez dit « plaisance » : ce mot de plaisance n’est-il pas un peu gênant : ne renvoie-t-il pas plutôt à un loisir de gens fortunés ? On a fait ce reproche. Le P. Ménard enfonce le clou quand il écrit : » en un temps où l’Église dirige son attention vers les plus défavorisés et se veut pauvre – et l’ancien aumônier de jeunes travailleurs que je suis ne peut que s’en réjouir profondément – quel scandale, s’indignent certains, de mobiliser prêtres et laïcs pour l’évangélisation de la plaisance ».
Mais il répond aussitôt à la page 58 de son livre, « les statistiques sont formelles : plus de 40 % des propriétaires de bateaux sont de milieux dits populaires et les classes moyennes représentent une large fourchette sur cette proportion. Évidemment les riches ont les plus beaux et les plus gros bateaux, cela peut paraitre choquant et provocateur en des ports comme Cannes. Mais Cannes n’est pas toute la plaisance. Combien de petites gens du littoral ont leurs bateaux. On peut ajouter aujourd’hui, avec la prolifération des ports de plaisance on voit même des « villeux », comme l’on dit, vivre dans un port sur un bateau pour ne pas avoir à payer un loyer en appartement. Sur nos routes nous rencontrons ces voitures transportant sur
remorque un bateau pour une sortie en mer de quelques heures ou pour tout un été.

La plaisance seulement en mer ? Non. En effet et c’est encore là le P. Ménard qui parle : la plaisance s’étend non seulement aux lacs et aux étangs mais aussi à ces admirables voies d’eau intérieures que la France possède et qui sont moins utilisées par la batellerie de commerce, du moins dans certaines régions. Il existe aussi une navigation de plaisance sur nos rivières et canaux de l’Ouest ? Bien sûr, toute une flottille s’est constituée avec de petites péniches habitables, sortes de mobil home sur l’eau, en un peu plus grand, qu’on peut conduire sans permis, si on la prend en location chez un loueur professionnel. De plus en France circuler sur les rivières est entièrement gratuit, même si l’entretien des canaux est une charge importante pour les pouvoirs publics. Sur le canal de Brest à Nantes, on peut venir s’amarrer à deux pas de la cathédrale de Nantes au quai de Versailles. On peut aussi remonter la Mayenne et accoster au centre-ville de Château Gonthier, de Laval, ou bien descendre la Charente au départ d’Angoulême et voir défiler quasi silencieusement là encore de très beaux paysages.

Vous avez pratiqué ces navigations : quel serait l’un de vos meilleurs souvenirs ? Il y en a beaucoup, peut-être celui d’une navigation au départ de Sablé, sur la Sarthe en équipage, sur une péniche de location. Accostage au pied de l’abbaye de Solesmes sur un ponton qu’on pourrait croire posé là tout exprès pour vous, y passer la nuit au bord de la rivière, puis monter par le sentier au petit matin rejoindre les moines à l’office et à la messe. Reprendre la navigation après ce temps de nourriture spirituelle exceptionnelle.

La mer, l’eau vous porte à la prière et à la contemplation ? Tout naturellement quand défile le paysage de pleine nature sans bitume, sans artifice : il en est ainsi sur les canaux et rivières, ou alors quand vous êtes en pleine mer et que l’horizon recule à n’en plus finir, par exemple entre l’ile d’Yeu et les Sables d’Olonne, c’est alors que monte en vous le chant composé par Patrick Richard « par tous les océans et toutes les rivières, je veux crier mon Dieu présent en toute création. Le père Ménard citait ce proverbe arabe : « si tu veux apprendre à prier, fais connaissance avec la mer ».

Pourtant tout n’est sans doute pas idyllique dans une navigation même si elle est de « plaisance » En effet, à moins d’être un navigateur solitaire, c’est la vie en équipage avec ses exigences, des manœuvres qui s’imposent, une vie plus compliquée qu’à terre, le frottement et parfois l’affrontement des caractères et des tempéraments. Et quand vous êtes en route pour 5 ou 10 heures sans escale, vous ne pouvez pas aller faire un petit tour au jardin pour calmer l’orage qui monte en vous. Mais l’expérience d’être dans le même bateau, au sens propre du mot, crée un sentiment de solidarité. Quand on touche terre, quand on met le pied sur le plancher des vaches, c’est le sentiment d’un vécu commun qui subsiste. Combien de jeunes en difficulté sociale, placés en maison par le Ministère de la Justice se sont trouvés renouvelés, apaisés, après un week-end ou une semaine de mer. Cap Vrai s’est trouvé à rejoindre quelques-uns de ces jeunes ?

Aux Sables d’Olonne il y a chaque été la journée « avance au large » créant du lien entre gens du bord de mer et vacanciers. Cap vrai soutient et encourage cette initiative qui continue de se vivre avec la paroisse et la Pastorale du Tourisme. La flottille « Grand Largue » chaque été, emmène, pour un week-end, des jeunes confiés au Ministère de la Justice et résidents en des centres d’hébergement. Ceci par un embarquement à partir de plusieurs ports, de La Rochelle à La Bretagne -sud. Ainsi plusieurs années de suite, entre les Sables d’Olonne et l’ile d’Yeu on a vu le pavillon « Cap Vrai » flotter sur l’un des vingt bateaux qui emmènent des jeunes de ces centres, venant de tout l’Ouest de la France pour deux jours et deux nuits. Il faut
rendre hommage aux éducateurs qui les accompagne et aux bénévoles de l’association qui renouvellent chaque année l’opération Grand Largue.

Autre initiative. Chaque été des jeunes et adultes pour lesquels partir en vacances paraissait un rêve impossible sont accueillis à la maison La Pacifique à la Tranche sur Mer. Chaque semaine et sous l’égide de Cap Vrai ceux qui le veulent peuvent vivre gratuitement une journée en mer sur un voilier, ce qui est toujours une expérience mémorable, Ainsi chaque fois, trois ou quatre jeunes ou adultes arrivent à bord du voilier Kappa aux Sables d’Olonne. Sortie en mer. Initiation aux gestes d’équipier : hisser la voile, tourner les manivelles, se mettre au rappel, lire les instruments de navigation électronique… Après quelques heures en mer, retour au ponton et l’on parle. Ce jour-là, cette jeune fille se dit catholique affirmée. Ce garçon
est musulman et sa maman qui l’accompagne fait le ramadan, donc pas de casse-croute à bord pour elle. Cette autre annonce qu’elle n’a pas vraiment fait le choix d’une religion. Étonnement de plusieurs de rencontrer un prêtre qui est aussi skipper et ailleurs que dans une église.

C’est aussi dans le cadre de Cap Vrai que chaque été, en aout, la communauté des Béatitudes à la Chaume aux Sables d’Olonne organise deux semaines ou trois semaines de retraite spirituelle en mer sous l’appellation « mer et prière. » Quelle visibilité pour Cap Vrai sur le territoire français ?